Travailleurs frontaliers: nouveaux accords, nouveaux défis dès 2025
Le 13 mars 2025, la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG) et Deloitte ont organisé une conférence dédiée aux travailleurs frontaliers dans le contexte des relations franco-suisses. L’évolution des conventions internationales en matière de fiscalité, de sécurité sociale et de télétravail redessine les contours de la mobilité professionnelle entre les deux pays.

« Les travailleurs frontaliers peuvent télétravailler jusqu’à 49,99 % de leur temps en France sans être obligatoirement affiliés au régime français. »
Un travailleur frontalier est une personne qui réside dans un pays mais travaille dans un autre, tout en retournant régulièrement à son domicile. En Suisse, où de nombreux résidents français exercent leur activité dans les cantons frontaliers, on distingue deux principales catégories de travailleurs frontaliers : ceux dont l’employeur est situé dans l’un des huit cantons signataires de l’Accord de 1983 – Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Jura, Soleure, Berne, Valais, Vaud et Neuchâtel, et qui sont généralement imposés en France –, et ceux employés dans d’autres cantons, comme Genève, qui sont en principe imposés à la source en Suisse.
Pour ces derniers, les accords Suisse-France introduisent de nouvelles règles de fiscalité et de sécurité sociale, notamment en matière de télétravail :
- désormais, jusqu’à 40% du temps peuvent être télétravaillés en France tout en maintenant leur imposition à la source en Suisse. Ce seuil correspond à la limite au-delà de laquelle un salarié risquerait de perdre le bénéfice des dispositions conventionnelles en matière de télétravail transfrontalier, avec à la clé des implications financières, administratives, voire pénales importantes pour lui et /ou pour son employeur,
- les voyages d’affaires n’excédant pas 10 jours de déplacements en France et /ou dans un pays tiers sont assimilés à du télétravail,
- sur le volet des assurances sociales, un seuil allant jusqu’à 49,99% du temps de travail en France est autorisé, avec maintien de l’affiliation à la sécurité sociale en Suisse.
En cas de dépassement, le travailleur risque (1) d’un point de vue fiscal, une remise en cause de son traitement fiscal, pouvant impliquer pour l’employeur suisse une obligation de s’enregistrer en France pour déclarer et verser l’impôt sur le revenu auprès des autorités fiscales françaises via le système dit du «PASRAU» (Prélèvement à la source pour les revenus d’activité) et (2) quant aux aspects de sécurité sociale, une obligation d’affiliation aux assurances sociales françaises, entraînant des obligations administratives pour les entreprises suisses ainsi que le paiement des cotisations de sécurité sociale françaises.
LES VOYAGES D’AFFAIRES LIMITÉS À 10 JOURS
Pour les frontaliers genevois, les 10 jours de voyages d’affaires sont imposés à la source dans le canton de l’employeur en Suisse.
Au-delà, l’employeur suisse risque une imposition par les autorités françaises.
D’un point de vue administratif, ces règles impliquent une charge accrue pour les employeurs suisses qui doivent suivre précisément les jours de déplacement. En cas de contrôle, l’absence de documentation adéquate pourrait entraîner selon le cas des redressements fiscaux et des sanctions financières. Dès lors, les entreprises doivent mettre en place une politique sur le télétravail et les voyages d’affaires ainsi qu’adapter leurs logiciels de gestion du temps de travail.
Précisons toutefois que ces 10 jours font l’objet d’une comptabilisation séparée et ne s’ajoutent pas au nombre de jours possibles dans l’année.
LE CAS DES ASSURANCES SOCIALES
Avec le nouvel accord-cadre, les travailleurs frontaliers peuvent télétravailler jusqu’à 49,99 % de leur temps en France sans être affiliés au régime français. Dans la pratique, cette limite est réduite à 40 % afin d’éviter un conflit avec le seuil n’impliquant pas de modification de la fiscalité du frontalier.
NOUVELLES OBLIGATIONS ET STRATÉGIES POUR LES EMPLOYEURS
Depuis le 1er janvier 2025, les employeurs ont l’obligation de fournir une attestation précisant le nombre de jours travaillés en Suisse, en télétravail et en voyage d’affaires pour les travailleurs frontaliers qui en font la demande expresse, en cas de fin des rapports de travail en cours d’année.
L’avenant à la Convention fiscale de 1966 entre la France et la Suisse qui a été conclu le 27 juin 2023 prévoit un échange automatique d’informations salariales pour les employés frontaliers qui devrait être applicable à partir de 2026.
Les employeurs seront dans l’obligation de transmettre annuellement aux autorités fiscales cantonales le nombre de jours télétravaillés ou le pourcentage de télétravail. Ces informations seront ensuite transmises aux autorités fiscales françaises, sous réserve des modalités qui devront être fixées dans le cadre d’une loi interne suisse (avant-projet« LEADS»).
Face à ces nouvelles règles, les entreprises et les travailleurs doivent adopter des stratégies adaptées. Certains employeurs restreignent le télétravail à 25% afin de limiter les risques. D’autres, plus flexibles, autorisent jusqu’à 40% de télétravail, avec un suivi administratif rigoureux.
Une troisième voie consiste à adopter un modèle hybride : chaque employé peut opter pour l’une des deux options, en fonction de son activité. L’employeur est libre d’imposer le modèle au cas par cas en fonction des besoins du poste.
À l’ère du télétravail et de la digitalisation, il est probable que ces réglementations continueront d’évoluer dans les années à venir. Pour l’instant, ces réformes apportent une plus grande flexibilité mais impliquent une vigilance accrue.
Fonte: Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève